Que l’on se pose la question du sens de la vie, celle de savoir si Dieu existe ou bien encore si l’on est condamné à subir la fatalité, philosopher revient à étudier les différentes dimensions de l’existence humaine. Or, si la philosophie a l’homme pour objet, ne prend-elle pas pour horizon son inachèvement ? D’aucuns s’en étonneront peut-être. Il suffira alors de montrer que lorsque nous nous mettons en quête d’une société juste, quand nous nous posons la question du salut ou encore celle de savoir quelles sont les limites de la connaissance, nous ne faisons rien d’autre que réfléchir notre finitude. Faut-il se désespérer de cet inachèvement ? Nullement s’il est vrai qu’il ouvre l’homme à la liberté, au salut et au progrès.
À dessein d’en convaincre le lecteur, nous nous sommes fixés deux exigences. La première est celle de la prudence car il nous a semblé impératif, pour mener à bien cette enquête, de ne pas tomber dans le piège qui consiste à croire qu’il suffit d’ignorer les doctrines pour faire œuvre d’intelligence. La seconde est celle du culot. On pourra toujours, encordé, escalader la montagne. On n’y deviendra pas autonome si l’on ne prend jamais la tête de la cordée… Il en va de même en philosophie. Il faut lire Platon, et le relire. Il faut méditer Spinoza, et Montaigne et d’autres encore. Mais s’il faut bien d’abord marcher dans leurs pas, il faudra toujours sortir des sentiers battus de telle ou telle doctrine pour frayer soi-même son chemin et mieux comprendre pourquoi l’Homme inachevé est en vérité l’homme d’une infinité de possibles. Car il est l’homme du progrès, qui trouve sa liberté précisément dans l’inachèvement qui fait de lui un sujet historique à même, par la pensée, de transformer ses pensées, et par sa propre action de s’inventer lui-même en transformant ses conditions de vie.
Claude Obadia
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