Ecrire pour survivre – témoignage d’Alaska Levendovsky
Il est temps, temps de parler de la place que porte l’écriture dans l’existence, et plus particulièrement ici, ce qui m’a menée aux portes d”Hèle ou la réflexion d’une braise”.
Depuis toujours, l’écriture fait partie de ma vie. Plus jeune, rêveuse et décalée je me réfugiais entre les mots, là-bas en ce monde caché, lignes et créatures devenaient réelles. En grandissant, les attentes étaient plus importantes, auprès de la société, des écoles, de la musique, de la famille, un panel de responsabilités à n’en plus finir.
Ma santé se dégradait. C’était comme, observer un petit animal se noyer, tentant vainement de remonter vers le ciel, se hisser sur une bûche flottant là. Ecrire ne suffisait plus pour sauver cette si petite chose.
Là, au milieu du flou arriva une période qui changera profondément ma perception du monde : l’hôpital. Trop malade pour l’admettre, moi qui m’étais toujours efforcée de voir le monde en couleurs et sous toutes ses coutures me retrouvais attachée à une sonde, enfermée dans une chambre avec l’interdiction de bouger.
Ma mémoire ne garde que peu de souvenirs de ce temps là, avec l’âge ils reviennent tout doucement. Cloitrée, seule, quelques visions de gens sur le point de mourir, cela change quelqu’un, plus que l’on ne veut l’admettre.
Etouffer, sombrer, pendant une année entière rien ne me retenait de mourir, ne plus se réveiller. Je restais là, sans bouger, sans me lever ni m’habiller, refusant d’avaler quoi que ce soit puisque tout me donnait la nausée. Bourée de médicaments, coincée face à moi même l’enfer des tourbillons de pensées s’ouvrait à moi.
Et puis il y avait ces petits problèmes de hiérarchie entre infirmières, médecins, disputes de basse-cours en journée comme de nuit. Je porte beaucoup de respect pour cette profession sachez-le cependant, tout ceci me semblait tellement absurde, un disque raillé tournant encore et encore.
Alors je me suis mise à observer, il n’y avait que cela pour me sortir de cette tempête. Les gens défilant depuis la fenêtre, je passais des jours entiers à rester assise là, carnet grand ouvert, regardant ce qui ressemblait désormais à un défilé de fantômes.
En ces instants précis, les premiers mots ont surgis : ” Sous un hêtre, était un corps. ”
Ce livre n’est pas seulement fiction, c’est une reflexion sur la société, les gens, la mémoire. Jour après jour, mot après mot, j’étais si faible que mes souvenirs d’avant devenaient flous, disparaissant tour à tout. Seule cette sensation restait constante ; l’évasion, saveur semblable à celle de l’enfance.
Alors oui, les poètes tragiques meurent à la fin de l’histoire, oui, tout ceci pour sembler bien insignifiant pourtant à l’époque il n’y avait que cela ; écrire, écrire pour survivre.
Hèle ou la réflexion d’une braise de Alaska Levendovsky, disponible aux éditions Maïa