Quel a été votre sentiment quand votre livre est paru ?
Au moment de la parution du livre qui, il faut le préciser, était mon premier ouvrage de fiction publié après des publications jusque-là plutôt professionnelles, j’ai été à la fois fier et impatient : fier de pouvoir contempler le livre terminé, fier que mes textes partent enfin à la rencontre de lecteurs inconnus, et impatient des retours, des avis, des critiques, mais aussi de repartir dans un nouveau projet d’écriture. Comme si, quelque part, la parution de ce premier ouvrage était pour moi le commencement d’une histoire plus longue plutôt qu’une fin en soi.
Il fallait désormais se détacher du livre, le laisser vivre sa propre vie, et passer à une autre histoire !
Quels ont été les retours des premiers lecteurs ? Que vous ont-ils dit sur votre livre ?
Les premiers retours, quels qu’aient été leur teneur, m’ont tous fait chaud au cœur.
Il s’agit d’un recueil de nouvelles où les thèmes abordés, les styles, les personnages sont si différents que chaque lecteur a toujours son texte préféré, sur lequel il aime échanger, en savoir plus, discuter… c’est donc beaucoup plus simple à appréhender pour un auteur que s’il s’agissait d’un seul et même texte comme un roman par exemple… du moins j’imagine !
Des premiers retours, ce qui ressort le plus souvent est la façon dont les lecteurs disent avoir dévoré le recueil, sans cesse poussés par l’envie d’en découvrir un peu plus, savoir quelle nouvelle allait succéder à celle qu’ils venaient de terminer.
Une critique de lecteur m’a particulièrement marqué : un jeune étudiant, que je ne connais pas, a pris le temps de me faire un retour détaillé, sous forme de lettre, de chacune des nouvelles du recueil avec ses avis, ses remarques, ses joies, ses frustrations parfois, et je garde précieusement ce courrier comme la première critique vraiment marquante me concernant car émise par quelqu’un que je n’avais jamais rencontré et qui pourtant avait été pris par l’envie de me lire mais aussi de me faire un retour détaillé de sa lecture. Cela a été pour moi un grand moment d’émotion !
Il concluait ainsi son courrier : « A mon avis, Carcasses est loin d’être un livre banal, c’est un livre qui surprend, un livre qui joue du recueil de nouvelles comme peu le font ! Que ce soit le ton, l’univers, le style, les mots, le rythme, on change d’univers à chaque histoire. Je pense que cela lui donne de la force dans le sens où presque tout lecteur y trouvera au moins une nouvelle qu’il attend, mais aussi d’autres qu’il appréciera moins ! Cependant, malgré la diversité, l’esprit de l’auteur se ressent dans chaque histoire. Il y a un dénominateur commun qui nous rappelle bien qu’il s’agit d’un seul et même livre. Je pense aux critiques du pouvoir en place, la culture antique, la mort, la folie et surtout les émotions – je dirais même les instincts primaires – . J’ai toujours ressenti l’envie de l’auteur de nous donner l’impression de vivre la situation par des mots brefs, isolés, qui laissent le lecteur libre dans son interprétation. Je résumerai en lui donnant, je pense, le meilleur compliment qu’on puisse faire à une œuvre : Carcasses est pour moi une véritable expérience sensorielle ! »
Avant de m’attribuer un encourageant 16/20 pour cette première publication ! Merci cher Nicolas que je ne connais pas !
J’ai évidemment pris le temps de répondre longuement à ce courrier et ai même « offert » à Nicolas une nouvelle nouvelle encore vierge de toute lecture, si ce n’est celle de mon épouse qui est et restera ma première lectrice, ma première sévère mais juste correctrice et conseillère !
Que retenez-vous de cette expérience d’édition par rapport à votre travail d’écriture ? En avez-vous tiré des enseignements ?
Cette première expérience a été pour moi assez inattendue. J’écris depuis de nombreuses années, pour ne pas dire depuis toujours, notamment au sein d’un atelier d’écriture où, à chaque fin d’année, nous présentons, au théâtre, en public, une lecture à voix haute de notre travail. Je n’avais jamais véritablement envisagé d’écrire pour être publié… et les choses se sont un peu mises en place d’elles-mêmes. On m’a souvent répété : « Tu devrais les publier ! », « Pourquoi tu n’écris pas un recueil ? »…
Les choses ont évolué lorsqu’il y a 3 ans de cela, attiré par un concours de nouvelle (Rencontres d’Encre, à Tulle) qu’une amie de l’atelier m’avait partagé sur un réseau social, j’ai décidé de participer et ai gagné. J’ai alors pris conscience que ce que j’écrivais pouvait trouver ses lecteurs.
Et puis, un jour de confinement, j’ai décidé de reprendre les textes que j’avais écrits depuis de nombreuses années pour voir « l’état de ma production ». J’ai été assez surpris de voir qu’au final, j’avais déjà raconté bon nombre d’histoires et que tout cela faisait tout de même quelques centaines de pages ! J’ai donc relu des textes anciens, décidé de faire un premier tri, en ai rédigés de nouveaux… et nouvelles après nouvelles, mots après mots, Carcasses est né.
L’enseignement principal que j’ai tiré de cette première expérience est que, contrairement à ce que j’imaginais jusqu’à présent, proposer un livre n’était pas une mise en danger, mais plutôt une forme de partage bienveillant… même si le mot, tellement utilisé aujourd’hui, a une certaine tendance à m’agacer, je l’avoue !
Ce que je souhaite désormais, c’est travailler à l’écriture d’un livre en envisageant, dès les premières phrases, qu’il s’agira là d’un projet à partager et non d’une énième écriture solitaire.
Au final, cette première publication m’a amené à prendre davantage en considération un élément que, jusqu’à présent, j’occultais inconsciemment : le lecteur !
Quelle est l’originalité de votre livre selon vous ? A-t-elle été perçue par vos premiers lecteurs ?
La principale originalité de Carcasses réside, d’après les retours qui m’ont été faits, par mes premiers lecteurs d’abord au moment de la création du recueil, et par ceux qui découvrirent ensuite le livre à sa sortie, dans le rythme et la langue.
Même si chaque nouvelle est différente, de par son style, son histoire, son univers, son genre, on retrouve toujours une écriture particulière, un rythme, et au final, Carcasses apparaît comme une sorte de patchwork d’histoires liées entre elles par une forme de style, ce dont, sans prétention et avec une lucide humilité, je m’enorgueillis secrètement !
Comment s’est passé votre travail d’écriture ? Avez-vous une méthode pour écrire ? Des rituels ou des astuces ?
Comme je l’ai déjà évoqué concernant ce recueil, il a été conçu après qu’une majorité des textes a été écrite. Je les ai ensuite sélectionnés, repris, améliorés, allongés, raccourcis, abandonnés, en ai écrits de nouveaux… jusqu’à parvenir à cette sorte d’unité dépareillée, du moins au premier abord.
Je n’ai pas de méthode particulière pour écrire si ce n’est essayer d’écrire désormais un peu chaque jour, plutôt très tôt le matin. J’ai toujours eu la chance d’avoir besoin de peu de sommeil et dans le silence de la nuit qui s’achève et de l’aube qui s’éveille, souvent les mots me viennent et alors j’écris. C’est d’ailleurs assez étrange : sans que j’y réfléchisse, assis devant mon carnet, les mots me viennent et il s’agit alors plus pour moi de canaliser ce flot de paroles que de chercher quoi dire ! J’ai toujours été un grand bavard féru d’histoires !
En général donc, au petit matin, un café, mon stylo plume fétiche, mon carnet de l’année – chaque année, je m’offre un nouveau carnet d’écriture à remplir d’histoires, de personnages… – , la tête encore pleine de phrases que j’ai faites résonner la veille en m’endormant, je me lance dans l’écriture.
Ce que j’ai découvert avec le temps, c’est cette nécessité de ritualiser quels que soient le moment, les urgences du quotidien, les obligations professionnelles ou familiales, d’accorder un temps propre à l’écriture.
Envisagez-vous d’écrire un autre livre ? Si oui, sur quoi avez-vous envie d’écrire pour ce prochain livre ?
Ragaillardi par les avis, les retours et les « Vivement le prochain ! », j’aimerais évidemment que Carcasses soit un début et non une fin !
Je serai d’ailleurs ravi de participer, le 29 novembre prochain, à Mortain, à mon premier salon du livre en tant qu’auteur, pour y présenter Carcasses !
En ce qui concerne l’écriture et la suite, pour dire la vérité, je mène toujours plusieurs projets de front. J’ai une histoire longue, plutôt destinée à devenir un roman, à laquelle je retourne régulièrement, mais que je dois aussi parfois abandonnée quelque temps, trop impatient de faire naître sur le papier une autre histoire, un nouveau personnage, une idée qui me sont venus sans prévenir et habitent mes pensées jusqu’à ce que je me lance dans une nouvelle qui sera, à son tour, relue, reprise, retravaillée, abandonnée parfois ! J’ai aussi un besoin presque viscéral de faire sonner mes mots, et la poésie, le slam et le théâtre sont d’autres territoires sur lesquels j’aime m’aventurer. J’ai bientôt 46 ans, et pourtant, lorsque j’écris, j’ai encore le sentiment adolescent de partir dans tous les sens, de n’en faire qu’à ma tête, de n’écouter que ce dont j’ai profondément envie, d’assouvir mes caprices… sans que personne ne s’en aperçoive… et c’est bon !
Stéphane Fouénard, auteur de Carcasses, disponible sur le site des Editions Maïa. Cliquez ici pour le découvrir.