On a dit du roman historique Le Crépuscule des Papillons, que sa lecture était passionnante. Passionnante de bout en bout parce que l’ouvrage capte l’attention du lecteur qui voudrait connaître la fin, quoique prévisible, à un certain stade d’avancement. Passionnante parce que le livre repose sur le déchaînement des croyances dogmatiques. Passionnante aussi, au sens, du martyre souffert.
C’est bien sûr un livre historique, dans bien des sens du terme.
Il raconte non pas, une, mais des histoires. Des histoires d’individus, puissants ou humbles, hommes et femmes, sordides parfois, héroïques souvent. L’histoire familiale de l’auteur fournit à la fois le cadre et la matière du livre : cette ancêtre, protestante, camisarde, qui au cœur du 18ème siècle fut engêolée, dans la Tour de Constance, aux côtés de l’emblématique Marie Durand, dans les désordres de la révocation de l’édit de Nantes et, paradoxe ironique, à l’aube du Siècle des Lumières.
Mais les petites histoires sont coulées dans la grande avec H majuscule : on dirait par raccourci guerres de religion, proscriptions, excommunications, abjurations et combats, finalement victorieux par des chemins détournés pour la liberté de conscience et de religion.
L’ouvrage est étayé d’une masse de documents, de faits, de lieux, de sites, de monuments qui attestent du travail de l’historien et de l’intellectuel.
Quel est donc, hors de l’historiette, le sujet du livre ? En réalité c’est toujours le même que développe l’auteur. Autour de la bataille pour la possession d’un Trésor – spirituel –, les manuscrits du Peri Hermeneias d’Aristote et le Traité de l’Interprétation, pièce de l’Organon de Thomas d’Aquin, l’auteur poursuit sa quête, entamée dans ses ouvrages précédents[i] : Comment peut-on gérer la diversité dans l’unité ? La différence et le pluralisme sur un socle commun ? Les hommes peuvent-ils sinon s’affronter du moins de confronter sans se détruire et si possible en se respectant ? Comment organiser le dialogue de la Foi et de la Raison ?
Vue ainsi, la question du « Crépuscule des Papillons » n’est pas un phénomène historique clôturé entre le XVIIème et le XVIIIème siècle. C’est une question d’une actualité brûlante à laquelle de nombreux pays, la France en tête, sont cruellement confrontés aujourd’hui.
Quelles solutions inventer pour trancher le dilemme ? Si l’esprit de chevalerie évoqué par l’auteur est adéquat, tant l’équilibre de la Pensée et de l’Epée, modéré par l’altruisme et la tempérance devraient contenir travers et excès, cette solution paraît difficilement transposable universellement aujourd’hui.
Il faut organiser l’État et la Société. Il faut, pour reprendre Montesquieu, apparaissant d’ailleurs dans Le Crépuscule des papillons que : « par la disposition naturelle des choses le pouvoir arrête le pouvoir. » Toute prétention à l’Unité Universelle prétend à la Totalité, prélude au totalitarisme. Quelques séparations sont donc nécessaires et pas seulement la séparation des pouvoirs. Avant, il faut assurer la distinction entre la Chose Publique et la Sphère privée, pour protéger l’Individu.
On ne peut faire de ce dernier le siège et l’assiette de droits et de libertés fondamentaux qu’en reconnaissant d’abord son existence différenciée de la collectivité. Il faut aussi instituer la séparation du Spirituel et du Temporel. Alors, et alors seulement, peuvent coexister, fois, dogmes divers au sein d’un corpus commun.
Marc FOUQUET
[i] Le Trésor convoité de l’ordre du temple, 2017 (Éditions Persée, collection Les Archives du temps). Abraham, une voix de paix au Moyen-Orient, 2018 (Éditions Edilivre – collection philosophie, sociologie).