L’ouverture à l’autre
Si quarante années d’expatriation m’ont appris quelque chose, c’est bien que l’ouverture à l’autre et à ses différences est devenue un élément incontournable de la vie en société, d’autant plus qu’il gouverne également les relations d’état à état ; en effet, nous faisons tous partie d’un ou de plusieurs réseaux qui deviennent un partenaire incontournable de nos projets. Mais c’est un choix difficile qui suppose de prendre des risques, en admettant l’existence de l’autre, en s’oubliant soi-même un peu, voire en acceptant de se laisser influencer par l’autre; cela implique de prendre du recul, puisque la distance se révèle être le seul moyen d’approcher sans passion les événements et situations, qui par une surcharge émotionnelle prennent un tour dramatique. La dégradation de la communication entre la France et l’Afrique traduit l’incapacité de ces partenaires, à renouveler et adapter leur relation aux circonstances.
Les français et leurs gouvernements successifs se sont intéressés à l’Afrique, tant qu’ils la voyaient comme un miroir complaisant ou tout au moins comme un soutien pour toutes leurs initiatives, mais les leçons de la France aux africains ne passent plus ; quant aux Autorités françaises, elles peinent à comprendre que ce qui fonctionnait très bien hier, puisse être remis en cause du jour au lendemain. D’un côté comme de l’autre, règnent crispations sur des sujets mineurs mais jugés essentiels, maladresses et chantages; quand on en arrive à ce point d’incompréhension et de rejet mutuel, la seule voie qui permette de progresser, consiste à se remettre en cause.
Il faut non seulement changer de méthode, mais aussi d’acteurs, tout en développant l’écoute; il me semble donc souhaitable que les services de l’état se mettent en retrait et laissent pour ce qui concerne les relations bilatérales, l’initiative à la société civile, notamment la diaspora malienne en France et les opérateurs français installées au Mali. Mettons temporairement de côté le régalien et laissons les acteurs privés français formuler leurs propositions aux Autorités maliennes, et négocier les aménagements qui leur paraitront nécessaires. C’est ainsi que l’on saura qui, de la France ou de l’Afrique, a le plus besoin de l’autre.
Didier Veller auteur du livre Du blanc au noir
